Troisième volet : de la chauve-souris au coronavirus
F.A., 29 avril 2020
Comme pour les deux premiers volets, n’étant ni virologue, ni immunologiste, il s’agit de pistes de réflexion.
Le coronavirus SARS-COV2, comme ses frères coronavirus SARS-COV et MERS-COV, est très voisin d’un coronavirus
infectant un certain type de chauve-souris, les chauve-souris en forme de fer à cheval (pas de chance pour le moins
dans le cas présent !).
Sauf erreur de ma part, ces chauve-souris existent un peu partout, y compris en France.
Du fait de la première épidémie en Chine due au SARS-COV, un centre de virologie spécialisé dans l’étude des
coronavirus de chauve-souris a été installé à Wu-Han, lieu (en tout cas, l’un des lieux) d’où la pandémie est partie.
Compte tenu de l’infectiosité du SARS-COV, il s’agit d’une installation de type P4 de très haute sécurité, analogue à
celle qu’a nécessité la manipulation du virus HIV responsable du SIDA. D’ailleurs, en raison de l’expertise de la France
dans ce domaine, ce laboratoire a été construit avec l’aide de la France et a probablement été la raison d’échanges
privilégiés.
En principe, les chauve-souris et le(s) coronavirus qu’elles portent, ne peuvent infecter directement l’Homme. Avant
de pouvoir ce-faire, le virus doit transiter par d’autres espèces, dites réservoirs, qui l’adaptent à l’Homme, en général
par des modifications (mutations de séquence, ajout ou retrait d’autres segments du génome viral).
A Wu-Han, existe un marché d’animaux sauvages et le pangolin, très prisé par les Chinois (mais aussi les africains) a
d’abord été incriminé.
Le SARS-COV2 est un virus dont le « génome » est une molécule d’ARN. Pour un biologiste, il est impossible de ne
pas penser à l’un des plus tristement célèbres virus à ARN, le virus HIV.
Dans le cas du virus HIV, on a souvent évoqué une origine du virus chez le Singe. HIV infecte effectivement le singe
de manière bénigne, mais sans conduire au SIDA, c’est-à-dire à l’attaque mortelle du système immunitaire comme
son nom l’indique. D’ailleurs, du fait de sa capacité à recevoir le virus, le singe a été utilisé pour tester des vaccins
anti-HIV.
Pour avoir travaillé sur des campus français leader en recherche HIV au moment où l’épidémie HIV a démarré,
notamment sur le premier d’entre eux, l’Institut Pasteur, mais sans avoir travaillé directement sur HIV, il semblait me
rappeler qu’on avait également évoqué cette hypothèse d’intermédiaire entre le singe et l’homme dans le cas d’HIV.
Dans ce cas, il s’agissait de porcs. Il n’en a plus été question par la suite. Pour SARS-COV2, d’autres animaux que le
pangolin, pouvaient-ils avoir servi d’intermédiaires ? On m’a alors communiqué une étude qui incriminait un élevage
de porcs industriels près de Wu-Han. Mais peu après, une étude qui avait pour but de rechercher le meilleur modèle
animal pour le vaccin anti-SARSCOV2 était publiée dans la revue spécialisée Science. Elle indiquait que cet animal
n’était pas infecté, de même que les canards et les poulets, largement consommés en Chine. Par contre, les furets
l’étaient mais sans mener à une détresse respiratoire, tandis que les chats, surtout les jeunes chatons, développaient
la maladie comme les humains, et que les chiens étaient infectés mais moins gravement a priori. En cas d’infection
animale, le virus était retrouvé dans les selles. L’étude rappelait par ailleurs que les chats mouraient à Wu-Han et de
SARS-COV2 selon les tests effectués. En tout état de cause, le virus SARS-COV2 est capable d’infecter à la fois les
humains, les chats et même les chiens. Mais on ignore qui infecte qui, l’homme ou l’animal, et on ne sait pas si le
chat a servi de « réservoir » à proprement parler en permettant au virus d’origine de s’adapter à l’Homme. L’étude
fournit un début de réponse et sera complétée par d’autres études et d’autres groupes, comme il est courant de
procéder en recherche scientifique.
Comme HIV, le SARS-COV2 infecte les singes. Une étude récente destinée à développer un vaccin anti-SARSCOV2 se
sert de cette « propriété ».
Comment expliquer la pandémie ?
Les précédentes épidémies SARS et MERS ont été contenues à des régions ou pays limités, la Chine dans un cas,
l’Arabie Séoudite dans l’autre cas. Au contraire, le COVID19 s’est vite transformé en épidémie planétaire, c’est-à-dire
en pandémie.
Plusieurs hypothèses ont été invoquées
Les voyages à partir d’un premier foyer d’infection, en l’occurrence Wu-Han.
C’est effectivement l’une des causes de l’expansion comme indiqué par le suivi des déplacements des
personnes infectées.
Y avait-il moins de déplacements entre la Chine, les pays arabes et le reste de la planète lors des précédentes
épidémies et dans les années précédant celle-ci?
Y a-t-il eu plusieurs foyers d’infection ?Le virus se serait-il adapté à plusieurs animaux intermédiaires ?
Dans le cas du MERS, c’est le chameau qui a été incriminé. Pour SARS-COV2, d’autres animaux peuvent être
incriminés comme indiqué plus haut, d’autant que le pangolin ne vit pas naturellement en Europe ou en
Amérique.
Y a-t-il plusieurs souches de virus ? Le virus mute-t-il d’un hôte humain à un autre ?
– Le MERS est un peu différent du SARS COV2. Est-ce le MERS qui sévit actuellement au Proche-Orient ou
le SARS-COV2?
– Dans un des premiers cas en France, qui plus est d’adolescent, une jeune fille de 16 ans, la guérison avait
été possible, les tests étaient négatifs. La jeune fille était sortie et avait dû être ré-hospitalisée avec des
tests redevenus positifs. La jeune fille a été victime d’un « cas extrêmement rare de coronavirus », a
indiqué le Ministère de la Santé. Le virus était-il différent de celui retrouvé chez les autres patients ? .
– Des études récentes rapportent de premières mutations du SARS-COV2 quoique limitées pour l’instant.
Le SARS-COV2 est-il différent du SARS-COV et du MERS-COV ? Possèderait-il quelque chose en plus ou en
moins qui lui permette d’infecter plus aisément l’être humain?
ll y a de bonnes raisons pour le penser car il a été noté à Wu-Han que la charge virale portée par un
individu était plus importante qu’avec les précédents SARS et MERS et qu’un plus grand nombre de
personnes étaient infectées par croisement avec une personne porteuse du virus. Une étude récente montre
par ailleurs que SARS-COV2 a la faculté de se répliquer (de se multiplier) beaucoup plus rapidement que ses
prédécesseurs.
Dans le même ordre d’idées, le Professeur Montagnier a parlé de manipulations génétiques. Pour le
professeur Montagnier, prix Nobel sur HIV, qui a brillamment défendu le leadership de la France sur HIV, ce
qui n’a pas empêché l’Institut Pasteur de le mettre à la retraite à 60ans après qu’il ait dénoncé le scandale
des hormones de croissance (il a également courageusement défendu par la suite un médecin et ses
infirmières injustement accusées en Lybie), qui a été appelé par l’Université de Shangaï (celle qui établit
chaque année le classement des meilleures universités internationales) pour son expertise dans le domaine
de la virologie (il devait y avoir un Institut Montagnier en Chine et Luc Montagnier a résidé à Shangaî, qu’en
est-il ?), ainsi que pour d’autres chercheurs, le virus serait capable d’infecter directement les humains grâce
à des manipulations sur les coronavirus de chauve-souris sans qu’il soit besoin d’invoquer un réservoir
intermédiaire animal. Une étude indienne que je n’ai pas lue et qui n’a semble-t-il pas circulé, appuie cette
hypothèse. Elle indiquerait que des séquences HIV auraient été incluses dans le SARS COV2 afin de créer un
vaccin contre HIV. Certes, il était courant jusqu’assez récemment, et le professeur Montagnier le sait mieux
que d’autres, d’utiliser des squelettes de virus (et même à l’origine de virus pratiquement intacts), à des fins
thérapeutiques pour transférer des gènes-médicaments dans les cellules-hôtes. Les squelettes HIV ont
apparemment été abandonnés mais c’est peut être toujours valable pour d’autres virus. L’une des raisons du
succès des dérivés d’HIV dans cette optique est due au fait que HIV est capable d’infecter les cellules qui ne
se divisent pas comme les neurones et de traverser la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau,
ce que la plupart des autres virus n’est pas capable de faire.
Cependant, pour revenir au SARS-COV2, l’étude indienne a semble-t-il été rejetée. Et une autre étude
indique que la sélection naturelle et l’adaptation du virus par mutations successives chez divers hôtes
pourraient expliquer son infectiosité. La polémique n’est peut-être pas encore close.
Des études très récentes montrent que le SARS-COV2 induit des désordres neurologiques. Infecte-t-il le
cerveau ?
Variabilité du génome et vaccins
Pour qu’il y ait vaccin, il faut que le virus comporte des éléments invariants afin que le système immunitaire
puisse le reconnaître en toute circonstance et le combattre.
Si c’était si simple, peut-être que les diverses épidémies de type SARS ou MERS depuis 2002, auraient déjà
conduit à un vaccin.
Dans le cas du virus de la grippe, qui varie d’année en année, mais pour lequel on est parvenu à distinguer
trois types principaux, sauf erreur de ma part, nous sommes, en gros, protégés contre la grippe de l’année
passée qui est connue, mais pas forcément, et en tout cas pas aussi efficacement, contre celle de l’année en
cours.
Le virus partage des traits communs avec les virus du rhume, en tant que coronavirus. Or à ma connaissance,
il n’existe pas de vaccin contre le rhume. Probablement, parce que les infections sont trop bénignes et faciles
à soigner autrement. Il semble également difficile d’acquérir une immunité durable contre le rhume
(destruction des anti-corps), On peut être infecté (sur-infecté) à plusieurs reprises, soit par le même virus,
soit par un autre.
Le virus de la gastro-entérite qui sévit chaque année, est également un coronavirus. D’ailleurs, SARS-COV2
est retrouvé au niveau de l’intestin. Qu’en est-il ?
Il n’existe pas de vaccin anti-HIV à l’heure actuelle, en raison de l’extrême variabilité du virus (peut-être pour
d’autres raisons que j’ignore). Ce n’est pas faute d’avoir essayé. A l’heure actuelle, ce sont les multithérapies
qui protègent contre HIV sans jamais complètement éliminer le virus. Et parce que le virus
contourne continuellement l’attaque, il faut changer régulièrement les composants de la multi-thérapie.
Dans le cas d’un autre virus à ARN, cause récurrente d’épidémie meurtrière en Afrique, le virus Ebola, il
n’existe ni vaccin, ni a priori, de thérapie adaptée ou de multi-thérapie, si l’on se réfère aux décimations qui
sont toujours d’actualité.
Côté SARS-COV2, un essai chinois sur le singe semble donner de bons résultats. Mais l’étude n’a pas encore
été expertisée par les pairs et doit être confirmée par d’autres études. Pour l’instant, il ne s’agit que du
singe, non de l’Homme.
Tests PCR
On m’a demandé de préciser PCR (en fait, RT-PCR pour Reverse transcriptase-polymerase Chain Reaction
dans le cas présent) :
C’est l’un des tests réalisé sur le virus. Il détecte directement la molécule ARN, contrairement au test
sérologique qui détecte la présence d’anti-corps dans le sang.
Pour ce-faire, le test utilise une machinerie moléculaire voisine de celle employée par le virus pour entrer
dans les cellules et s’y répliquer. En simplifiant le procédé : des amorces miroirs de segments de la séquence
virale, se collent sur la partie virale correspondante si celle-ci est bien présente dans le prélèvement. Une
enzyme qui joue le rôle de photocopieuse (la polymérase) entre alors en action et partant de cette amorce
accrochée à la séquence virale, s’y déplace en la reproduisant à plusieurs exemplaires, la rendant détectable.
La qualité du test repose entre autres sur le choix approprié des amorces et probablement sur un minimum
de particules virales dans les prélèvements car l’ARN est très instable.